Trouver l’amour au 21ème siècle n’est pas chose facile : le rythme effréné de notre quotidien, l’individualisme grandissant rend la tâche compliquée. De plus, les sites et les applis destinées à la rencontre ont biaisé le jeu de l’amour et du hasard. À présent on choisit un partenaire comme un paquet de lessive parmi tant d’autres : le packaging, la promesse, la couleur,…
Cependant on ne choisit pas l’âme-sœur avec des critères.
Etat des lieux de l’amour 2.0
Je vous propose ici le résultat de plus de 20 ans d’observation d’un panel de femmes entre 20 et 50 ans avec une moyenne de 30-45 ans.
Le métier de psy ou de coach est une indéniable fenêtre sur le monde. Si on sait observer, on y verra l’évolution de notre société.
L’apparition des sites de rencontres puis des réseaux sociaux ont considérablement changé la façon d’entrer en relation avec les autres et tout particulièrement entre les hommes et les femmes.
Mais la bascule s’opère nettement avec l’émergence des smartphones dans nos vies et notamment les applications de rencontre avec géolocalisation. Dorénavant vous pouvez rencontrer de parfaits inconnus au coin de la rue, à la terrasse d’un café ou lors d’une soirée. Il n’y a qu’à cliquer et vous verrez les profils des hommes présents autour de vous. Il suffit d’avoir l’un et l’autre un compte sur le site en question, une géolocalisation possible et le tour est joué. Vous cherchez un mec en urgence? L’application vous le propose tout comme vous faites vos courses en ligne.
Une des promesses d’internet était de créer du lien. Il est vrai qu’à l’heure actuelle nous avons la possibilité d’être en connexion immédiate avec n’importe quel individu sur la planète. Pourtant la qualité relationnelle n’y est pas toujours.
Un des dangers de la cybermodernité comme l’appelle Vincent Cespedes, philosophe, est le mélange constant entre le réel et le virtuel qui nous mènent à peu à peu dévaluer le réel au profit du virtuel. On appelle cela la transréalité. Le virtuel devient plus attractif car procurant plus de plaisir que le réel. Ceci dû à la sécrétion de dopamine (notamment dans l’utilisation des réseaux sociaux, un like sur votre post et hop! une petite montée de dopamine, hormone du plaisir. )
Dans l’amour 2.0, grâce aux nouvelles technologies, la plupart des hommes et des femmes entrent en contact d’une façon identique. Ils s’envoient un ou plusieurs coeurs afin d’entrer en contact. Ils discutent en ligne avec plusieurs personnes à la fois jusqu’à ce qu’il y en ait une qui sorte du lot. Ils échangent par mail puis par Whatsapp pour enfin décider de se voir dans la «vraie vie ».
C’est un véritable marché de l’amour où on espère rencontrer l’âme soeur comme on achète un produit. Partie sur cette base consumériste, la suite de la « relation » risque d’être sur le même mode : la relation à l’objet.
12 expressions de la cybermodernité de l’amour
Voici 12 expressions anglo-saxonnes qui sont apparues ces dernières années. Elles décrivent de nouveaux comportements relationnels et la grande difficulté à créer du lien et surtout à le maintenir. Ces expressions sont révélatrices de la relation à l’objet dans notre société. Le zapping relationnel est à l’oeuvre à chaque instant.
Ghosting ou technique du fantôme. C’est lorsque le partenaire disparait du jour au lendemain sans laisser d’adresse, ni d’explications. Vous avez disparu de ses contacts sur les réseaux sociaux, vous êtes jeté, bloqué, blacklisté.
Fauxbae’ing provenant du terme Bae employé sur les réseaux sociaux pour définir la ou le petit ami. Il s’agit du célibataire qui s’invente une relation amoureuse sur les réseaux sociaux. Dans quel but? Soit pour rendre l’ex jaloux(se), soit pour satisfaire l’insistance normative de la famille ou pour rehausser l’estime de soi. (car sensibilité accrue à la norme) Certains vont même jusqu’à se créer un faux compte sur Facebook, à s’envoyer des messages pour donner vie à la relation fictive.
Serendipidating qui vient de l'anglais "serendipity" qui signifie "heureux hasard" en français. Un nouveau nom né de la contraction entre les mots "serendipity" (découverte) et "dating" (rencard) qui semble avoir fait son entrée dans la pratique de l'amour 2.0. Il s’agit là d’une procrastination à propos des premiers rendez-vous. C’est toujours remettre à plus tard la première rencontre. Cette attitude s’observe principalement chez les usagers des sites de rencontre. Pourquoi cette procrastination ? Par soucis de trouver encore mieux : « Et si je trouvais mieux que Barnabé? »
Breadcrumbing ou « jeter de miettes de pain ». C’est le fait de donner suffisamment d’attention à sa cible pour lui laisser l’espoir d’une relation, sans vraiment vouloir de relation avec elle. Ce qui ressemble bien à de la manipulation quand même. L’idée est de garder la personne sous le coude sans déployer le moindre effort, histoire de l’avoir à disposition… au cas où. Le Breabcrumber se manifestera par un bref « Ça va » par SMS ou un like sur votre FB, histoire d’attirer l’attention mais il ne donnera rien de plus. Il apparaît, il disparaît, puis il ré-apparaît.
Firedooring ou la relation à sens unique. "Fire door", en anglais, c'est la porte coupe-feu. La porte coupe-feu est totalement hermétique à la fumée et ne s'ouvre que d'un côté. Il s'agit tout simplement d'une relation à sens unique. Le firedooreur ne rompt pas, il entretient sporadiquement une relation dont il se fiche.
Zapping : l’acte de passer à une autre relation en un clic sans se soucier de l’autre.
Micro-cheating ou tromper mais juste un peu. De micro: mini et cheating : tromper, tricher. C’est entretenir une communication sous le mode séduction via les sms, mail et autres Messenger. On ne trompe pas son partenaire mais on drague en douce. On doit ce terme micro-cheating au Dr Martin Graff, maître de conférence en psychologie à l'université de New South Wales, en Australie.
Zombieing ou la technique du mort-vivant. Il s’agit là de l’acte de recontacter son ex. Ou quand votre ex décide de revenir vous hanter. Le pire serait et c’est souvent le cas que l’auteur du ghosting soit justement celui qui revienne un beau matin par un petit texto. Le but ? Vérifier que vous répondez toujours à ses avances. Le zombie ne revient pas réellement dans votre vie, il vérifie juste que vous êtes toujours là pour lui.
Cushioning : Cushion est le terme anglais pour coussin ou oreiller. Ainsi, lorsqu’on cushione quelqu’un, on se permet d’utiliser cette personne pour adoucir un éventuel choc, au cas où notre partenaire actuel décide de nous quitter. Ainsi, on garde cette personne sous le coude, afin d’être sûr d’avoir un «Plan B» pour nous consoler.
Stashing ou la relation non assumée : On peut traduire littéralement le terme to stash par planquer, cacher ou mettre de côté. C’est lorsque votre partenaire ne vous présente ni à ses amis, ni à sa famille. Il vous cache comme sa maitresse également sur les réseaux sociaux. Par timidité ou par non engagement le stasher compartimente.
Haunting c’est l’ex qui revient vous hanter sur les réseaux, il like vos post ou fait partie des personnes ayant vue votre story. Le but est juste que vous ne l’oubliez pas….pendant que lui mène sa vie.
Mooning - votre partenaire clos clôt une conversation en mettant son téléphone sur silencieux sans vous dire au revoir ou bonsoir. La boucle communicationnelle n’est pas fermée.
Le grand retour de la norme
Depuis quelques années j’ai remarqué à quel point la norme a un impact sur la conscience des femmes. Plus que les hommes, c’est elles qui ont a à subir les réflexions de leurs familles, amis et collègues à propos de leur célibat.
Je rencontre de plus en plus de femmes qui cherchent à tout prix à répondre à cette norme : être en couple. Elles ont été éduquées avec une certaine idée du bonheur. Pourtant voilà, il n’y pas une voie vers le bonheur mais autant de chemins qu’il y a d’individus !
Je présente ici les principales croyances autour de l’amour évoquées le plus souvent en consultation individuelle ou de groupe :
Il faut se forcer un peu, l’amour vient avec le temps
Le bonheur n’est possible qu’en couple
Réussir sa vie, c’est réussir sa vie amoureuse
A force d’être seule les gens vont penser que j’ai une tare, un problème
L’amour c’est pour les autres, je n’y ai pas droit
J’attire toujours les mêmes personnes
Avec ce types de croyances, les femmes renforcent un phénomènes de dépendances à la rencontre amoureuse : « il faut absolument que je rencontre » ajouteront-elles. Elles se retrouvent avec finalement la même mentalité que les femmes des années 50-60 avant la révolution féministe et sexuelle : l’indépendance semble ne passer que par la reconnaissance sociale.
Aujourd’hui il n’y à a plus d’amour ni de hasard mais une obligation à la rencontre, à l’encouplement, pour citer à nouveau le philosophe Vincent Cespedes, ainsi qu’une tentative à vouloir contrôler sa destinée.
Il leur faut absolument trouver l’amour ainsi que la personne qui fera office de partenaire : il devra remplir les critères prédéfinis le tout alimenté par des croyances bien précises et par les grilles sélectives des sites de rencontres.
Hier, dans le métro, j’ai vu l’affiche d’une campagne de publicité pour un nouveau site de rencontre. Le slogan était « vous ne vous seriez pas rencontrés dans la vraie vie. » Ce message vient alimenter les croyances des célibataires citadins persuadés qu’en effet de nos jours toute rencontre est impossible. Pourtant, dans nos grandes villes, il n’y a qu’à observer les gens dans les transports en commun, aux terrasses de café ou dans n’importe quel lieu public : Qui se regarde encore? Qui utilise le « eye contact »? Qui est curieux du livre que lit son voisin ou sa voisine? La plupart des voyageurs dans les transports sont rivés sur leur smartphone. Dès qu’une personne est seule, elle se réfugie dans les informations virtuelles. C’est bien la confirmation que le monde virtuelle commence à prendre le pas sur le réel.
Fort heureusement de plus en plus de femmes, et d’hommes, prennent conscience des limites des sites et applications de rencontres. Après avoir essuyé plusieurs déceptions et incompréhensions, beaucoup se décident à changer de stratégie. Ensemble, durant les séances de travail, nous explorerons les pistes possibles en lien avec leur sensibilité. Ainsi le retour à la vraie vie se fera avec plus de confiance car nous y aurons travaillé en amont. Mais surtout la personne en quête de l’amour véritable, aura acquis une vision du monde exempte de croyances limitantes sur soi, l’amour, les autres et le monde. Elle se sera également libérée de croyances transmises à travers les générations et d’une certaine idée du bonheur. La rencontre avec soi ayant été faite, elle pourra alors entrer en contact avec des individus réellement en correspondance avec sa personnalité plutôt qu’avec ses peurs et convictions erronées.
Tout ceci nous invite à être vigilants et à développer un savoir-vivre relationnel nous permettant à tous d’entretenir des relations dans l’altérité et le respect.
Texte issu d'une conférence donnée dans le cadre de la fédération NLPNL. ©Géraldyne Prévot Gigant toute reproduction interdite sans l'accord de l'auteur.
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Film en lien avec le sujet : Celle que vous croyez de Safy Nebbou
Ouvrage : Le grand amour, se préparer à la rencontre Géraldyne Prévot Gigant éditions Odile Jacob
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Géraldyne PREVOT-GIGANT est psychopraticienne et la fondatrice des Groupes de Parole pour les Femmes®. Auteure de nombreux ouvrages traduit en plusieurs langues, elle est spécialiste de la question amoureuse, de la dépendance affective et de l'accompagnement des hypersensibles. Elle est l’auteur de 7 ouvrages dont 50 exercices pour sortir de la dépendance affective, ed. Eyrolles et Le grand amour : se préparer à la rencontre, ed. Odile Jacob et Ecoute les signes que la vie t’envoie, le roman des synchronicités Ed. Leduc.s. www.geraldyneprevotgigant.com
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